Collectivités territoriales : comment proposer des démarches en ligne efficientes à vos usagers ?

L'actu de draisine.fr

Image extraite du film Brazil – Terry Gilliam

Vous avez pour projet de proposer des démarches en ligne à vos usagers ? Vous souhaitez faciliter le recueil d'informations tout en optimisant leur traitement par les agents publics ? Avant de vous lancer, quelques précautions s'imposent. Mode d'emploi.

Ce qu’il faut proscrire
Concevoir en urgence un formulaire dans MS Word, mentionner une adresse email et/ou un numéro de téléphone nominatif, le transmettre à la Direction de la Communication pour publication sur le site Web au plus vite, au format PDF... Voici en quelques points, tout ce qu'il ne faut surtout plus faire... en prenant le risque de bafouer en particulier les fondamentaux de la protection des données personnelles ou de la saisine de l'administration par voie électronique.
Pourquoi est-ce une fausse bonne idée ?
- Parce qu'une boîte de messagerie interne n'est certainement pas le meilleur gage de suivi du principe du « silence vaut accord » (dit SVA),
- parce qu'une boîte de messagerie interne (générique ou nominative) réceptionne certes les messages mais n'émet pas automatiquement en retour ni un Accusé d'Enregistrement Électronique (AEE), ni un Accusé de Réception Électronique (ARE), dans les délais impartis et la forme imposée par le décret n°2016-1411 du 20 octobre 2016 relatif aux modalités de saisine de l'administration par voie électronique (dit SVE),
- parce qu'une boîte de messagerie historisant des données personnelles ne garantit aucune conformité avec les règles d'anonymisation et d'archivage légal,
- parce qu'une adresse courriel nominative en clair sur un site Internet, fût-elle présente dans un fichier au format PDF, favorise sa diffusion tous azimuts, alimente les robots de spams et assure à son propriétaire de recevoir des pourriels à la pelle (merci la DSI pour l'antispam!),
- parce qu'on ne rend pas vraiment service aux usagers des services publics en leur imposant d'imprimer un fichier PDF, de le saisir de manière manuscrite, d'acheter une enveloppe et de s'acquitter du prix d'un timbre (Peut-être un plan quinquennal en vigueur impose-t-il aux administrations de fournir du chiffre d'affaires aux PTT ?),
- parce que ce n'est sûrement pas la meilleure manière de respecter le Règlement Général d’Accessibilité des Administrations,
- parce que le traitement interne n'est pas optimisé dès lors qu'un « agent instructeur » doit déchiffrer une écriture manuscrite pour re-saisir les informations dans un logiciel métier (ou dans MS Excel),
- parce que le traitement interne ne peut être optimal dès lors que l'on s'oblige à recevoir des volumes importants de courriers dont les documents sont à instruire sur une période courte,
- etc.

La liste des manquements élémentaires, à la fois juridiques, organisationnels et techniques de cette fausse bonne idée tourne rapidement au florilège de mauvaises pratiques.

Les expertises nécessaires
A l'ère de la simplification, activer votre canal Web et collecter des données en ligne nécessitent de respecter quelques principes : notamment le (célèbre) RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), le (moins connu) article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, principe du « silence vaut accord » et le (encore moins connu) décret relatif aux modalités de saisine de l'administration par voie électronique (dit SVE). Le Règlement Général d'Accessibilité des Administrations (RGAA) s'impose également à toutes les publications des administrations sur le Web ; il s'agit des normes à respecter dans la réalisation des sites internet (donc les démarches en ligne) devant garantir l'accessibilité de tous les publics. Ajoutons à cela le Référentiel Général de Sécurité (RGS), l'ensemble des règles auxquelles les systèmes d'information mis en place par les autorités administratives doivent se conformer pour assurer la sécurité des informations échangées. Et nous obtenons les principaux ingrédients réglementaires du cocktail inaugural de votre idée de démarche en ligne.
Vous lancer dans l'activation de votre canal Web impose donc de mobiliser, dès l'origine du projet, les expertises nécessaires pour aboutir à un dispositif efficient. Dans un monde idéal, vous aurez donc besoin :
- d'un Délégué à la Protection des Données (ou DPO Data Protection Officer)
- d'un Webmaster qualifié pour garantir la conformité au RGAA
- d'un Chef de projet pour orchestrer le pilotage des démarches en ligne
- d'un Chef de projet informatique
- et d'un(e) (ou plusieurs) responsable(s) persuasif(s)·ve(s) à même d'animer les évolutions de l'organisation.

Les outils dont il faut se doter
Parallèlement aux aspects réglementaires, se pose la question de la diffusion de ce service en ligne : le formulaire sera-t-il publié sur le site Web de la collectivité ? Sur un portail dédié aux démarches en ligne ? Avez-vous les outils pour mettre en œuvre votre démarche en ligne ? Ces outils répondent-ils aux exigences du décret SVE ?
Un moyen simple de diffuser une démarche en ligne est de s'appuyer sur la plate-forme Démarches simplifiées(.fr) dont la promesse est la suivante : « Créez des formulaires en ligne en quelques minutes et instruisez les demandes des usagers sur une plateforme dédiée. » Effectivement, la prise en main est très aisée pour qui a la volonté de se lancer. J'ai testé : j'ai pu réaliser une démarche en ligne en 4 heures chrono. Cette solution gratuite est pilotée par une start-up d'État issue de l'incubateur de services numériques de la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC). Une grande campagne de promotion de demarches-simplifiees.fr s'est déroulée ces derniers mois au sein des préfectures, associant l'ensemble des strates de collectivités qui étaient invitées à découvrir et à utiliser la plateforme en direct. L'outil est très bien pensé pour les collectivités ne disposant pas des moyens d'investir dans une solution du marché.
Des solutions « métier » développées par des ESN sont également disponibles. Le secteur étant relativement récent, les solutions existantes présentent des maturités « produit » différentes et des modèles économiques variés. (Voir encadré). Solutions « out-of-the-box », modules Web (parfois poussifs) de progiciels « métiers », solutions CRM adaptées pour la gestion de la relation citoyen (le client usager ou l'usager client ?), la jeunesse du secteur offre une variété de solutions techniques assez déroutante pour qui veut s'y intéresser.

Soigner le parcours utilisateur en associant les usagers à la conception des démarches
Co-design, co-construction, participation citoyenne, démocratie participative, CivicTech… sont non seulement de nouvelles approches à la mode mais également, lorsqu'elles produisent des résultats, de puissants leviers de valeur pour les collectivités. Si les usagers sont associés dès la conception d'un « service » multicanaux (guichet, téléphone, courrier, web, réseaux sociaux), s'ils sont impliqués pour tester des prototypes et valider la première version du nouveau dispositif, les risques de non-appropriation et d'investissements vains sont considérablement réduits.
Ces approches permettent également de piloter la (re)-structuration de l'organisation interne responsable du service. Une opportunité pour revoir les processus existants de bout-en-bout.
La transformation numérique est donc l'occasion de ramener le « citoyen (contribuable) bougon » dans un esprit constructif qui redonne du sens au terme « collectivité ». De nombreuses municipalités, métropoles, départements et régions se sont déjà engagés dans cette voie. Comme par exemple, l'application mobile Nantes dans ma poche, qui s'enrichit de modules co-conçus avec leurs usagers, pour devenir à terme la « smart télécommande de la métropole ».

Quelques solutions de Gestion de la Relation Citoyen

Citopia (groupe JVS)
https://www.citopia.fr/
Démarches simplifiées
https://www.demarches-simplifiees.fr/
E-Deal Collectivités (Efficy)
https://www.e-deal.com/un-crm-pour-votre-secteur/
GRC Localéo (Docaposte)
https://www.localeo.fr/la-plateforme-gestion-relation-citoyen/
Publik (Entr'Ouvert)
https://publik.entrouvert.com/
Offre Secteur public local (Berger-Levrault)
https://www.berger-levrault.com/fr/secteur-d-activite/secteur-public-local/
Virtuose Agents – GRC (Arpège)
https://www.arpege.tm.fr/virtuose-agents-gestion-collaborative-de-la-relation-citoyens.html



Cadre réglementaire


RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données)
Loi n°2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2018/6/20/JUSC1732261L/jo/texte

SVE (Saisine de l'administration par voie électronique)
Décret n°2016-1411 du 20 octobre 2016 relatif aux modalités de saisine de l'administration par voie électronique
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033283792

SVA (Principe du silence vaut accord)
Loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens
https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Silence-vaut-accord-SVA

RGS (Référentiel Général de Sécurité)
Décret n° 2010-112 du 2 février 2010 pris pour l'application des articles 9, 10 et 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021779444

RGAA (Référentiel Général d'Accessibilité pour les Administrations)
Décret n°2009-546 du 14 mai 2009 pris en application de l'article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et créant un référentiel d'accessibilité des services de communication publique en ligne
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020616980